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Cette société que l’on dit molle, éteinte, consensuelle, est en guerre.
Elle est en guerre contre les plus faibles et donc contre le meilleur d’elle-même. Cette guerre est menée contre les pauvres, les enfants, les amoureux, les femmes, les vieillards.
Le discours sur l’exclusion participe de cette guerre, par sa gentillesse qui est le contraire de la bonté. La gentillesse est une des premières vertus du commerce, une des règles de base dans la représentation : pour gagner le portefeuille, calmer les cœurs, flatter les enfants et les chiens et tout ce qui passe à portée de mains.
La bonté est l’inverse de cette politique là. On n’y vend rien, on n’y achète rien. On apprend à y nommer ce qui est réel dans cette vie et à résister au nom de cette chose réelle.
On n’y parle pas de SDF, on y parle de pauvres - et mieux encore : on ne parle pas des pauvres en général, on n’est pas dans l’attendrissement sociologique des catégories. On parle de celui-ci, puis de celui-là, puis de cet autre encore.
Ce qui est « exclu » de nos sociétés,
c’est ce qui en est le centre, le meilleur :
le rire des enfants, le songe des amants, la patience des misérables,
le génie des mères.
Parler d’exclus c’est donc se tromper de mot.
Quand ce qui est exclu est au centre, au cœur, alors il ne faut pas parler d’exclusion, terme bien trop flou pour décrire un cœur qui a cessé de battre.
Il ne s’agit pas d’inclure les pauvres dans une société morte,
il s’agit de faire revenir le sang dans le tout de cette société.
Il faut un « traitement » non seulement « social » mais politique et spirituel :
quelque chose entre résurrection et insurrection.
Christian Bobin
Tags : parle, societe, guerre, pauvres, entre résurrection et insurrection
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