Brûlant des ronces à la fin du jour,
j'ai vu soudain approcher du brouillard,
silence devenu visible,
fumée humide et froide montée de l'eau plutôt que d'un feu,
exhalaison de la terre détrempée,
souffle tout à coup froid comme de l'acier,
menace peut-être,
mais que j'aimais parce que réelle,
parce que vivante,
parce que "vraie",
comme si tout valait mieux que des pensées et que la mort.
Un troupeau qui serait venu sans le moindre bruit
me lécher la main d'une langue froide.
Tandis que la nuit aussi approchait.
Philippe Jaccottet