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La France de nos belles provinces se transforme sinistrement ...
La France des provinces, douce rivière devenue torrent de sang
Il y avait, disons jusqu'au début de l'exode rural, une France lente et un peu austère, une France calme et tendre, rude et travailleuse : on appelait ça, il n'y a pas si longtemps, la province. Ce n'était pas parfait : on y était volontiers conformiste, parfois envieux, souvent mesquin. On n'aimait pas les gens de la ville, on regardait de travers les enfants du pays qui avaient réussi, mais enfin, on y vivait tranquille. Au rythme des saisons, des moissons, des fêtes de village, on regardait le soleil se coucher, au soir de la vie, sur un paysage doux et serein, qui était exactement comme celui que l'on avait connu enfant. Du Bellay parlait de la « douceur angevine », Trenet de la « Douce France/Cher pays de [son] enfance ». Il y avait le clocher, la mairie, les prairies du père Untel, la forêt des Machin, les maîtres et les paysans, le curé et l'instituteur. On causait au café, on recevait les journaux.
Bien sûr, vous allez me dire que la nostalgie est la maladie de la droite. Vous allez peut-être même me dire que la « France d'avant » n'a jamais existé. Un petit tour sur le site de l'INA vous détrompera (et vous tirera des larmes en moins de dix minutes). Que reste-t-il, alors, de cette France-là, celle des provinces de la carte Vidal-Lablache n° 9, devenue celle des « régions », puis celle des « territoires », puis finalement appelée « France périphérique » ? Des lieux paradisiaques et des Français enracinés, mais aussi des zones commerciales immondes, des foyers éclatés, avec la télé comme dieu lare, qui ont honte de leurs racines ; des gens tristes et perdus, gavés de malbouffe tiède et de culture américaine mal digérée, à qui on a désappris que leurs familles avaient fait la France. Et puis, bien sûr, il y a ce qu'il ne faut pas appeler le Grand Remplacement. Il y a les « incivilités », vocable discret de la sauvagerie ordinaire. Il y a les meurtres quotidiens, ces « blessures au cou » et ces « rixes », ces « différends » et ces « agressions sexuelles », ces « attaques gratuites »... Nous connaissons désormais par cœur la novlangue de la presse d'État, qui tourne autour des véritables termes pour ne pas risquer d'avoir dit la vérité.
La douce rivière, nonchalante et immuable, des provinces françaises est devenue un torrent de sang. Nous vivons peut-être déjà face à face sans le savoir. C'est l'ennemi qui vous désigne, disait Julien Freund. Je crois que le message de nos ennemis est clair : c'est d'un génocide à bas bruit qu'il s'agit, jusque dans les petits villages. Alors, ne nous moquons pas sottement des abattages rituels : à l'heure où je vous parle, nous, Français, n'avons pas plus de rage de survivre que les moutons de l'aïd.
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Tags : france, province, sans, douce, celle
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