A 15 h, le 1er février, quelques pièces seront officiellement scellées au fond du Meraviglia, le paquebot que les chantiers de St-Nazaire vont livrer au printemps 2017. "Une cérémonie classique du monde maritime, explique Béatrice Bottet,. Les marins sont les plus superstitieux au monde !" (elle a écrit un ouvrage sur les croyances et les légendes de la mer, éditions Casterman).
La cérémonie des pièces elle connait bien (moi pas !!!). "Il faut remonter l'histoire et imaginer que quand l'homme commence à prendre la mer, il n'a ni carte, ni moyen de communication, ni moteur. Pour survivre, il faut faire des offrandes aux dieux. On sacrifie alors les êtres qui comptent."
Des femmes, des sages, des enfants en feront les frais ... La mythologie grecque évoque ainsi la belle Iphigénie, qui est mise à mort pour que les vents deviennent favorables à Agamemnon, qui part conquérir Troie.
"Au fil des siècles, les humains seront remplacés par des animaux lors de sacrifices, puis on garde le sang. Les sociétés évoluent encore et le sang est remplacé par du vin rouge ou précieux " ... tiens donc, comme le Champagne ! La tradition de la bouteille brisée contre la coque du navire est née. Aucun navire n'y échappe aujourd'hui.
Le sacrifice ne suffit pas toujours tant la mer est meurtrière. Alors les traditions évoluent. "Beaucoup de sociétés considèrent que l'or est ce qu'il y a de plus précieux, les marins commencent à sceller des pièces d'or au fond du navire." Où ça ? Dans la cavité qui accueille le mât principal.
"On ne quitte pas le port le mardi, jour de Mars, le dieu de la guerre et des ennuis, ni le vendredi, jour de Vénus, celui des femmes."
"Les femmes justement, sources de violence et de tension, on les bannissait du bord comme tout ce qui portait robes : curés ou avocats !"
La superstition la plus vivace : le lapin dont on ne doit même pas prononcer le nom.
"Cela date du Moyen-âge, quand on se contentait de longer la côte en emportant les animaux vivants pour se nourrir. Des poules, des chèvres, mais aussi des lapins qui percent leurs paniers d'osier, se répandent dans le navire en grignotant les cordages, les voiles ... Une catastrophe !"
Aujourd'hui, même les peluches sont malvenues. En cas de bévue, certains font trois fois le tour du pont, un couteau à la main, pour renverser la malédiction.
Une dernière superstition pour le plaisir ? Celle des oiseaux du large : jusqu'à la fin du XIXème siècle, il était interdit de les tuer, car "ils portent avec eux les âmes des marins péris en mer ... "
Texte de Thierry Hameau sur Ouest-France