• Les pieds dans le plat maison ...

    On voudrait nous embrouiller les papilles qu’on ne s’y prendrait pas autrement. La semaine dernière, la presse a tartiné sur le label « fait maison ». On allait voir ce qu’on allait voir, un pictogramme malin (un faitout coiffé d’un toit) pouvait enfin permettre de distinguer d’un seul coup d’œil, sur la carte des restaus, les vrais plats mitonnés en cuisine des joyeusetés industrielles surgelées ou sous vide que le cuistot se contente d’enfourner ou de remettre en température.

     Mais comme nous l’avons déjà explicité, le « fait maison », c’est du carton-pâte. Primo, la mention est facultative. Dès lors, on imagine mal les accros du réchauffé se précipiter pour signaler que seuls trois ou quatre malheureux plats de leur carte sont vraiment préparés en cuisine. Secundo, lorsqu’on soulève le couvercle, on découvre pêle-mêle, que l’alléchante estampille « fait maison » s’applique, par exemple, au saumon d’élevage surgelé nappé d’un fond de sauce acheté chez un industriel type Davigel ou Nestlé Food Services, accompagné d’une jardinière toute droite sortie d’un sachet.

    Car, ce qui est goûteux avec ledit décret du 15 juillet, c’est que le « chef » peut sans souci cuisiner du fait maison avec des viandes déjà tranchées, découpées, hachées, désossées ou broyées, des légumes pré épluchés, pelés, coupés ou moulus, le tout conditionné en surgelé ou sous vide. La seule exception, ce sont les pommes de terre, pour lesquelles il y a obligation d’éplucher sur place. Pourquoi ? Pour que McDo et les autres chaînes de fast-food ne puissent pas revendiquer le logo « fait maison » pour leurs frites ! Ce qui n’aurait plus laissé aucun doute au consommateur sur le fait qu’on le prenait bien pour une courge…

    Tertio, le label n’entre en application que le 1er janvier 2015. D’ici-là, nulle sanction n’est prévue contre les margoulins qui s’amuseraient à rhabiller du logo « fait maison » certains de leurs plats 100 % industriels. De toute façon, on souhaite bien du plaisir aux contrôleurs de la Répression des fraudes qui auront à faire ensuite le tri dans les arrière-cuisines des restaurants, entre les plats dûment logotés et les autres.

    Déjà que, faute de troupes suffisantes, l’an dernier, à peine 12 % des « établissements de restauration » ont reçu la visite d’un inspecteur de la DGCCRF… Tout ça, c’est de label arnaque !

    Le Canard Enchaîné N° 4891 du 23 juillet 2014

    Les pieds dans le plat maison ...


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