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Moi président ...
« Le cancer est l’une des grandes causes qui fédèrent », dixit François Hollande. En présentant au début du mois en grande pompe à la Mutualité, à Paris, le nouveau plan Cancer, notre président a effectivement fédéré derrière lui tous les industriels de la malbouffe.
D’abord sur les 152 pages qui organisent, sous la bannière des ministères de la Santé et de la Recherche, la bataille contre le cancer pour les cinq ans à venir, moins d’une page est consacrée aux effets de l’alimentation industrielle. On est content d’apprendre que « l’activité physique régulière et la consommation de fruits et légumes réduisent le risque de cancer ». Et que, « à l’inverse, le surpoids et l’obésité, la consommation de boissons alcoolisées, de viande rouge, de charcuterie ou de sel l’augmentent ».
Bref, pas de quoi énerver les géants de l’agroalimentaire qui fabriquent 80 % des aliments qu’on se met sous la dent. Même si depuis belle lurette on sait qu’un tiers des 350 000 nouveaux cas de cancer détectés chaque année en France pourraient être évités si on arrêtait d’empiler dans notre assiette des aliments trop gras, trop salés, trop sucrés. Prenez le sel, consommé en excès : il favorise le risque de cancer de l’estomac ; n’empêche, on nous en fait consommer trois fois plus que nos besoins physiologiques. Ou encore le sucre, dont on avale l’équivalent de 35 kilos par an : de récentes études montrent que cette calorie vide, qui n’a aucun intérêt nutritionnel, augmente le risque de cancer du sein ; eh bien, le rapport n’en pipe pas mot.
Quant à l’obésité, les rédacteurs du rapport n’en font pas des tonnes. Le terme n’apparaît que cinq fois, pour la plus grande joie de l’agroalimentaire, qui, depuis des années, se décarcasse pour nous persuader que l’obésité n’est pas une maladie contractée par excès de malbouffe, mais un choix qui relève de la liberté individuelle… Tant pis si, d’après l’Inserm, le surpoids, qui touche désormais plus de 30 % des Français, augmente le risque de développer un cancer de l’œsophage, du pancréas, du côlon, du rectum, de l’endomètre, du rein ou du sein.
À lire le nouveau plan Cancer, c’est le consommateur qui est seul responsable si, à force de mal bouffer, il hérite d’un cancer. C’est donc à lui de veiller au contenu de son Caddie et de se mettre au sport pour ne pas faire trop de mauvaise graisse. Pile-poil le discours de l’agroalimentaire. Pas question, en effet, d’aller enquiquiner les fabricants de barres chocolatées, de sodas ou de pizzas industrielles en les obligeant, par exemple, à y aller mollo sur les pubs pour enfants ou, pire, à mettre en rayons des produits qui soient meilleurs pour la santé.
Pourtant, la plupart des experts s’accordent sur un point : le seul moyen efficace d’améliorer le contenu nutritionnel de notre assiette, c’est d’imposer aux industriels de le faire, par des règlements et des taxes. À moins qu’on préfère les promesses en sucre…
Le Canard Enchaîné N° 4870 du 26 février 2014
Altermonde-sans-frontières
Tags : cancer, risque, sel, president, contenu
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