Moi, le castor, je viens de conquérir la Sarthe ...
"Des troncs grignotés à leur base; Des barrages de brindilles sur les rivières. Ces indices sont limpides comme l'eau claire : moi, le Castor je suis bel et bien de retour en Sarthe. A dire vrai, je suis revenu dans les années 2000. Avant la loutre. J'arrive par le Maine-et-Loire et, depuis, je colonise petit à petit les cours d'eau.
Sans me vanter, je suis le plus gros rongeur d'Europe. Comptez 80 à 110 cm de long, sans la queue. Poids moyen : 21 kg. Je suis une espèce endémique de la région. Pas comme le nuisible ragondin, mon lointain cousin d'Amérique du Sud. Je me suis longtemps pris les pattes dans les pièges posés à son intention. Maintenant ils sont interdits, seuls sont autorisés ceux qui nous enferment sans nous tuer. Moi on me relâche, lui on le zigouille.
Remarquez, moi aussi on m'a fait la peau. Ma fourrure avait une valeur commerciale. Comme le castoréum cette substance odorante qui sert à marquer mon territoire. Vous l'avez utilisé contre vos maux de tête et même en parfumerie ... Tant et si bien qu'à la fin du  XIXè siècle il ne restait plus qu'une poignée de castors du côté du Rhône.
Difficile à dire combien  nous sommes au pays des rillettes, plus nombreux que les loutres en tout cas.
De nature discrète, nous ne sortons qu'au crépuscule. Nous composons nos menus d'écorces et de fruits.
Une famille se compose de 6 individus : les parents, les deux petits de l'année précédente et les deux de l'année en  cours.
Bâtisseurs accomplis, nous érigeons des huttes dont l'entrée est cachée sous l'eau. Le tas de branchage dissimule la cheminée d'aération.
L'homme a bien essayé de faire passer des tubes à travers nos constructions pour laisser l'eau s'écouler. Peine perdue ! Nous les rebouchons aussi sec. L'effet barrage, c'est voulu, qu'est-ce que vous croyez ? Une belle étendue d'eau, bordée de jeunes bouleaux et de saules à nous mettre sous la dent, c'est notre petit coin de paradis."
Julien Belaud pour Ouest-France